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DÉCRYPTAGE/ OBJECTIF N°4 DU CTRI : LE DEVELOPPEMENT DURABLE (NESTOR BINGOU)

Libreville le 16 décembre 2023 Globe Infos.

Chose promise chose due ! A-t-on coutume de dire. Chaque vendredi, Globe-infos et son consultant-maison Nestor Bingou, ancien Magistrat, vous invitent au décryptage d’un des objectifs du CTRI. Aujourd’hui, nous analysons les contours de l’objectif n°4 relatif au « Développement durable ».

La définition simplifiée de ce concept a été donnée par le Ministère québécois de l’Environnement, de la lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Pour cette institution, « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Il s’agit donc  d’un développement responsable qui permet aux générations  présentes de trouver son compte sans compromettre celui des générations futures. Dans l’expression « développement durable », on distingue le concept développement (I) du concept durabilité (II)

I- Le développement

Sur le plan structurel, le développement peut se définir comme étant  l’ensemble des transformations techniques, sociales, territoriales, démographiques et culturelles, qui accompagnent la croissance économique. Il est adossé sur des fondements stables (A) entretenus par des outils fiables de pilotage (B)

A- Les fondements du développement

Tout développement est adossé sur des considérations spirituelles, sur l’Homme, sur une terre et sur la conscience historique.

S’agissant de la spiritualité, l’Afrique d’aujourd’hui, sous l’influence de la culture occidentale, semble le seul continent à croire à l’indépendance de son action terrestre. Pourtant, même l’Occident n’a jamais méconnu la place prépondérante de la spiritualité dans l’organisation des sociétés humaines. Il n’existe à ce jour de modèle de développement qui soit conçu sur une terre qui n’ait jamais réglé la question spirituelle, de laquelle émanent les problématiques culturelles, socle de tout développement. L’Europe catholique et l’Amérique protestante ont inscrit leur progrès sur les fondations du christianisme. Le développement des pays asiatiques ne s’est jamais désolidarisé des routes de l’Islam, de l’Hindouisme, du Bouddhisme et du Shintoïsme. Avec 67% des chrétiens, 20% des musulmans, 10% d’animistes gabonais et 3% d’adeptes des sectes et autres mouvements spirituels venus d’ailleurs, le Gabon fait partie des pays extravertis en matière de spiritualité, avec plus de 90% de sa population enracinée dans les croyances venues d’ailleurs. Le Gabon doit régler préalablement la question spirituelle s’il veut se mettre sur les rails d’un développement véritable, car le développement sur le plan ésotérique, est un état d’harmonie entre un peuple, une terre et les Entités cosmiques qui la gouvernent.

S’agissant de l’Homme, il est la clé de voûte de tout développement, car « il n’y a des richesses que d’hommes ». L’Homme est au début et à la fin de tout processus de développement. C’est pourquoi, sur le plan culturel, le développement est le génie exprimé d’un peuple sur une terre donnée. Il est l’expression visible des traditions, des us et coutumes, mis au service du bonheur d’un peuple. C’est pourquoi, tout développement est d’abord culturel. Il est le reflet de l’identité d’un peuple. Un peuple sans identité ne peut se développer. La question est donc de savoir sur quoi repose l’identité du citoyen gabonais? Le gabonais est malheureusement tout, sauf lui-même. Il croît aux ancêtres et divinités d’autres peuples. Ses enfants et lui parlent la langue des ancêtres des autres. Ils mangent, boivent et portent des produits fabriqués par d’autres peuples. Le système éducatif gabonais permet aux enfants de tout apprendre sauf l’histoire, la Géographie et les sciences du Gabon. Qui est donc le citoyen gabonais ? La triste réponse est que le citoyen gabonais est un être humain dont les ancêtres étaient gabonais et que la colonisation a totalement transformé en un être nouveau, sans passé, sans langue, sans divinité, sans histoire, sans culture, et qui n’existe plus que par des bribes culturelles qu’il reçoit de ceux qui ont tout gardé de leurs ancêtres. Si le Gabon veut atteindre le développement, il doit construire un nouveau citoyen gabonais qui soit plus en phase avec la culture de ses ancêtres.

S’agissant de la terre, il est à noter que le développement s’apprécie sur un territoire donné, considéré comme la mère-nourricière de la nation. C’est elle qui produit les ressources destinées à nourrir ses enfants. C’est en elle que sont enfouis les codes de son développement. Mais combien de gabonais peuvent-ils encore entrer en communication avec la mère nourricière et décrocher pour la nation ces codes dont nous avons besoin pour notre développement ? Une chose est certaine, ce n’est pas en embrassant les croyances venues d’ailleurs que les enfants de ce pays créeront l’harmonie nécessaire entre eux et les entités cosmiques qui gouvernent ce pays. Or, sans ces fondements, il est possible que le développement ne soit qu’un vœu pieux pour le Gabon.

S’agissant de la conscience historique, elle est la mémoire des évènements passés. Elle permet de maintenir les liens intergénérationnels et de transmettre de génération en génération, les exploits, les inventions et les victoires remportées par un peuple au cours de son histoire. Les juifs dominent le monde parce que l’histoire de leurs ancêtres rappelle qu’ils ont été les meilleurs, qu’ils ont vaincu ensemble la haine et qu’ils doivent se préparer à affronter ensemble les défis futurs. Un peuple sans mémoire est comme un véhicule sans carburant, car la conscience historique est l’énergie qui permet à un peuple de se propulser dans les incertitudes de l’avenir. La conscience historique du Gabon est truffée de mensonge. Chacun veut écrire une histoire qui plaît à sa conscience, oubliant qu’un peuple doté d’une conscience historique erronée équivaut à un peuple qui  en est dépourvu. Si leur Gabon veut se doter d’une conscience historique fiable, il doit réécrire son histoire réelle.

On constate ainsi que le Gabon n’a pas de spiritualité propre qui lui permette de communiquer avec sa terre et des génies, que son peuple a perdu son identité et que sa Mémoire historique est erronée. Tous les piliers sur lesquels repose un développement sont encore au rouge dans notre pays. Cela signifie qu’en l’état actuel des choses, aucun développement n’est envisageable. Il va falloir préalablement œuvrer à l’amélioration de ces voyants.

B- Les outils

Le développement est comme un engin dont la progression est guidée par des outils, sans lesquels toute avancée est compromise. On distingue :

 les outils de planification du développement, qui sont des études prospectives sur 25 ; 30 voire 50 ans. Ils définissent la vision prospective du développement de la Nation. C’est le cas de : « Perspectives Gabon 2025 », « Le document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté (DCRP), « le Plan stratégique Gabon-Emergent ». Tous ces outils doivent être améliorés, etc;

 les outils d’exécution, qui sont des plans quinquennaux de réalisation des projets. Ils définissent des objectifs à court termes, leurs plans d’exécution et leurs coûts ;

 les outils de suivi/évaluation des politiques publiques. Ce sont des rapports de suivi et d’évaluation du niveau d’exécution des projets. Il s’agit des rapports de la cour des comptes, du Parlement et des commissions techniques compétentes ;

 les outils de pilotage de l’économie, notamment la monnaie. Il n’y a aujourd’hui dans le monde, le modèle d’un pays qui ait connu le développement avec des politiques monétaires dictées de l‘extérieur. La monnaie est un outil de souveraineté nationale. Les pays de la zone franc restent des rares pays au monde à utiliser une monnaie coloniale, véritable goulot d’étranglement de leurs économies.

Le Gabon ne dispose pas à ce jour d’un outil fiable de pilotage de son développement. Autrement dit, notre pays fait encore du pilotage à vue. Or, aucun pays au monde ne s’est développé en suivant cette voie de l’amateurisme

II- Durabilité

La notion de durabilité employée depuis des années 1990 est généralement associée à celle de développement. Elle permet de coupler le concept de développement à celui de durée, en améliorant les mécanismes de gestion des processus. Pour assurer un développement durable, il faut établir des règles, des principes ou des critères, de production, de gestion ou de fonctionnement des institutions, des personnes morales ou physiques. Ces principes ou règles s’appellent des normes. On distingue les normes de qualité (A) et les normes de sécurité (B)

A- Les normes de qualité

Les normes de qualité décrivent la meilleure manière de fabriquer un produit, d’offrir un service ou de mettre en œuvre un processus. En effet, tout produit fabriqué ou tout service offert par l’Homme, obéit à une norme ou à un standard qui garantit sa meilleure qualité. La normalisation consiste alors à rechercher pour chaque produit ou service cette norme qui garantit sa meilleure qualité et qui le rend compétitif quel que soit l’endroit du pays où il se trouve, pour ce qui est des normes nationales. Mais, il existe aussi des normes qui garantissent la qualité d’un produit et le rendent compétitif, peu importe l’endroit de la terre où il se trouve. Ces sont les normes internationales. Le point commun de toutes ces normes est le respect de l’Environnement. Pour qu’un produit ou un service soit certifié de bonne qualité, il faut que le processus de sa production, de sa conservation, de son transport et de sa livraison, soit conforme aux règles de protection de l’Environnement.

Bien que doté de la loi n°006/2014 du 28 Août 2014 instituant le système national de Normalisation, le Gabon ne semble pas encore inscrit sur la liste des bons élèves de la Normalisation. Toutes les institutions et personnes morales privées, exerçant au Gabon, devraient fonctionner selon les standards définis dans leurs domaines. Ais, les lourdeurs observées dans notre Administration montrent que même elle ne s’est pas encore arrivée aux normes de qualité du service public. Le développement durable serait un vain mot, si le Gabon ne définit pas et ne vulgarise pas les normes de qualité dans tous les secteurs de la vie sociale.

B- Les normes de sécurité

Les normes de sécurité sont des standards nationaux ou internationaux qui permettent de s’assurer que les domaines prioritaires de la sécurité nationale sont jalousement préservés. Ce sont des:

 Normes de Sécurité militaire, qui permettent de s’assurer que notre système de défense figure parmi les meilleurs au monde. Naturellement, un pays qui a ses deux capitales (politique et économique) sur la côte et qui n’a pas la maîtrise de ses frontières terrestres, maritimes et aériennes, ne peut se dire en sécurité ;

 Normes de Sécurité des télécommunications, qui permettent de s’assurer de la fiabilité de nos systèmes de communication et de télécommunication. Il va de soi qu’un pays dont le système de télécommunication se trouve entre les mains d’opérateurs économiques étrangers ne peut s’estimer être en sécurité;

 Normes de Sécurité alimentaire, qui permettent de s’assurer que le pays ne manquera jamais des ressources alimentaires de bonne qualité et que les produits importés dans ce domaine sont également de bonne qualité. Un pays qui dépense encore près de 200 milliards de FCFA par année pour l’importation des denrées alimentaires ne peut penser être en sécurité alimentaire, car il suffit qu’une crise internationale secoue le monde pour qu’il s’expose aux émeutes du pain;

 Normes de Sécurité sanitaire, qui permettent de s’assurer de la fiabilité de notre système de santé, car un pays qui ne peut correctement soigner son peuple et dont les hôpitaux ressemblent encore aux tombeaux blanchis de l’extérieur, ne peut penser être en sécurité ;

 Normes de sécurité de scolaire, qui permettent de s’assurer de la fiabilité de notre système éducatif, car la meilleure façon de détruire un peuple est de s’attaquer à son système scolaire. C’est l’œuvre entamée depuis la colonisation et qui se poursuit encore aujourd’hui ;

 Normes de Sécurité énergétique, qui permettent de s’assurer que le pays ne manquera jamais des ressources énergétiques, car l’énergie, c’est la vie.

En somme, c’est la diffusion des normes de qualité et de sécurité qui permet d’impulser le développement durable. Malheureusement, notre pays le Gabon est encore loin des standards mondiaux dans plusieurs secteurs de la Normalisation. Nos plaidoyers de financement pendant les sommets mondiaux sur l’Environnement revêtent un intérêt de forme, car le Gabon ne protège pas l’Environnement pour les étrangers, mais pour assurer un développement durable de son territoire et garantir un avenir radieux à ses générations futures.

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