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La Cour constitutionnelle réagit

Certaines réactions à la communication de la Cour constitutionnelle l’ont qualifiée de «motion de soutien des militants d’un parti politique à leur leader», en l’occurrence Marie-Madeleine Mborantsuo, présidente de l’institution. © L’Union-Sonapresse

Une semaine après la «communication» de la juridiction constitutionnelle, les observateurs continuent d’exprimer leur étonnement.

Pour la Cour constitutionnelle, cette un tournant. Une semaine après sa «communication», elle est toujours sous le feu nourri des critiques. Praticiens du droit, personnalités politiques ou citoyens ordinaires, de nombreuses voix continuent de s’élever (lire «La Cour constitutionnelle n’est ni un syndicat ni la propriété de ses membres»). La dernière réaction en date et, peut-être la plus caustique, est venue de la Coalition pour la nouvelle République (lire «A son tour, la CNR recadre la Cour constitutionnelle»). Malgré les prétentions pédagogiques du texte signé de huit des neuf juges constitutionnels, l’incompréhension persiste. En dépit des menaces ouvertement brandies (lire «La Cour constitutionnelle menace»), le débat vire à la foire d’empoigne.

Quelque chose de surréaliste

Même si ses initiateurs soutiendront le contraire, la «communication» de la Cour constitutionnelle était une mauvaise idée. Ayant commencé par dénoncer une «démarche de déstabilisation (caractérisée) par des critiques acerbes, virulentes et outrageantes (…) à l’endroit de l’institution (…) (et) de (sa présidente)», les signataires du texte ont tenu à rappeler la collégialité de leurs décisions. Se disant solidaires les uns des autres, ils se sont ensuite confondus en justifications. Niant avoir modifié la Constitution, ils ont égrené les précédents du genre, laissant le sentiment de chercher à mouiller certaines personnalités passées à l’opposition. Se défendant d’avoir violé le principe de la séparation des pouvoirs, ils se sont lancés dans des jugements de valeur, éludant néanmoins le débat juridique. S’appuyant sur les dispositions de la loi organique sur leur institution, ils ont joué la carte de la victimisation, proférant ensuite des menaces. Comme il fallait s’y attendre, tout cela a déclenché un torrent de réactions.

Aux termes de la Constitution, la Cour constitutionnelle appartient au pouvoir judiciaire. «Juge de la constitutionnalité des lois et de la régularité des élections», elle est censée garantir la protection et l’exercice des droits fondamentaux.  Autrement dit, il lui revient de s’assurer du respect des libertés individuelles et principes à valeur constitutionnelle contenus dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Charte africaine des droits de l’homme ou la Charte nationale des libertés de 1990. En clair, cette institution doit être au service du citoyen et de son épanouissement. Surtout, elle doit veiller à sa pleine et entière participation à la vie publique.  Comme le droit à la vie et à la sûreté, le droit à la justice, le droit à l’information, le droit à la liberté d’expression et, à la liberté de réunion et d’association doivent être au centre de son activité. De ce point de vue, son attitude a quelque chose de surréaliste.

Des méthodes héritées du parti unique

Au lendemain de cette sortie tonitruante, les observateurs n’ont pas manqué de dire leur gêne ou s’en gausser. Certains ont parlé de «plaidoirie» ou de «plaidoyer pro domo». D’autres ont mis à l’index cette «motion de soutien des militants d’un parti politique à leur leader». Il s’en est trouvé pour dénoncer une «résolution des membres d’une organisation syndicale, défendant leurs intérêts corporatistes et moraux à travers la défense de leur dirigeant». Inspirées par la tonalité du texte, ces saillies ont mis en avant les manquements éthiques et déontologiques. La Cour constitutionnelle a, de toute évidence, eu tort d’engager une telle polémique. Comme le relevait un ancien magistrat, «le terrain d’expression d’un juge est loin d’être le plateau des chaines de télévision ou de radio, encore moins les pages des journaux ou les murs des réseaux sociaux». Pour un juge, les «campagnes médiatiques d’explication de ses dispositifs ou de ses discussions juridiques» ne sont d’aucune utilité. Bien au contraire, elles sèment toujours le doute sur sa capacité à rendre la justice dans le sens de l’intérêt général.

Le juge se distingue par son comportement social et la qualité de son rendu. Au-delà de son attitude personnelle, il doit s’illustrer par des décisions claires, motivées et compréhensibles par tous. Les postures d’autorité, l’arrogance et la rhétorique prétendument savante ne l’ont jamais aidé à commercer avec les justiciables. Or, dans l’opinion, la Cour constitutionnelle est décrite comme un repaire de thuriféraires du régime, prêts à toutes les manipulations juridiques. «C’est le bureau politique du PDG», grondait en son temps Pierre-Louis Agondjo Okawé, juriste et accessoirement géniteur de l’une des huit signataires. Un quart de siècle plus loin, les membres de cette juridiction s’illustrent par des méthodes héritées de la sombre époque du parti unique. C’est dire si la «communication» du 13 mars dernier ressemble à un hara-kiri.

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